Il ne sera bientôt plus possible de revendre ou d'acheter de l'ivoire en France, sauf dérogation exceptionnelle, une première dans un pays d'Europe, selon le gouvernement et les ONG, initiative qui répond à une demande des États africains pour lutter contre le braconnage des éléphants. La ministre de l'Écologie Ségolène Royal a annoncé samedi l'interdiction de « tout commerce d'ivoire sur le territoire », en marge d'une grande cérémonie de destruction d'ivoire organisée à Nairobi par le président kényan Uhuru Kenyatta, aux côtés des présidents du Gabon et d'Ouganda.
Lors de cette cérémonie destinée à promouvoir la lutte contre le braconnage et l'interdiction totale du commerce de l'ivoire, 105 tonnes d'ivoire ont été détruites. La plus grande quantité d'« or blanc » jamais incinérée en une fois, représentant environ 5 % du stock mondial d'ivoire, va ainsi partir en fumée. Ségolène Royal a également indiqué qu'elle comptait porter cette mesure au niveau européen.
« Une première au niveau européen »
L'ONG Robin des Bois, en pointe dans le suivi du commerce illégal d'espèces, a salué cette annonce qui « est en convergence avec la position des États africains, des États-Unis et de nombreuses ONG à travers le monde », selon un communiqué. « C'est une première au niveau européen », a indiqué à l'Agence France-Presse Charlotte Nithart, porte-parole de l'ONG, rappelant que c'était la survie d'« un patrimoine mondial de l'humanité » qui était en jeu, les 450 000 à 500 000 éléphants d'Afrique.
Le commerce d'ivoire est strictement encadré depuis 1990. Il est limité aux pièces datant d'avant 1947 et considérées comme des antiquités, ou à des pièces et morceaux bruts entrés dans l'Union européenne avant 1990. Pour pouvoir faire commerce de ces pièces, les vendeurs doivent produire un certificat intra-communautaire, délivré par l'État, prouvant que l'ivoire est entré légalement sur le territoire et qu'il répond aux critères d'ancienneté.
« Une tonne d'ivoire vendue par mois »
« En fonction des pays, la délivrance de certificats est plus ou moins facile à obtenir. Les autorités britanniques sont déjà très restrictives, même si elles n'ont pas inscrit l'interdiction dans leur loi », explique Charlotte Nithart. « Si la France ne délivre plus de certificats, cela va progressivement assécher le marché », estime-t-elle. Selon les estimations de l'ONG, une tonne d'ivoire (brut ou sur des objets) est vendue par mois en France.
« Cela facilitera le travail des douanes de savoir que plus aucun certificat français n'est délivré », car de nombreux faux certificats sont en circulation et servent de couverture au commerce illégal, explique-t-elle. L'interdiction concernera principalement les ventes aux enchères, dont certaines sont spécialisées dans l'ivoire comme Cannes Enchères, qui « aujourd'hui même proposait à la vente plusieurs défenses d'éléphant », selon Robin des Bois.
Quelques dérogations
Les dérogations à cette interdiction, qui devrait être signée « lundi ou mardi » selon le ministère, devraient concerner principalement les rénovations d'œuvres d'art ou d'instruments de musique. Robin des Bois se préoccupe désormais des modalités pratiques de cette interdiction, qui doivent être « rapidement définies et appliquées ». La France avait déjà pris une série de mesures l'an dernier pour lutter contre le commerce illégal d'ivoire, en interdisant notamment les exportations d'ivoire brut à l'instar de l'Allemagne et du Royaume-Uni.
La loi sur la biodiversité a en outre renforcé les sanctions contre les trafiquants d'espèces menacées, les amendes en cas d'infractions simples passant de 15 000 à 150 000 euros et allant jusqu'à 750 000 euros en cas de trafic en bande organisée. L'interdiction définitive du commerce de l'ivoire dans le monde sera à l'ordre du jour de la prochaine convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, qui doit se tenir à Johannesburg du 24 septembre au 5 octobre 2016.