Un petit retour (ou une découverte?) sur la caricature "
The modern Samson" de Thomas Nast. De l'époque suivant la guerre de Sécession (1861-1865), le coupe-chou incarne ici le bras armé et brutal de la pensée démocrate américaine (et des vieux démons esclavagistes). Dessinée en 1868, l’œuvre apporte un éclairage artistique et critique sur les tumultes politiques de l'époque par le truchement d'une parodie du mythe biblique de Samson et Dalila. L'auteur dénoncera toute sa vie durant les violences engendrées par la ségrégation en Amérique, cultivées par l'amertume des sudistes vaincus qui défendront (aujourd'hui encore!) leur "cause perdue". Nous y reviendrons.
Dans la Bible, Samson est un "
nazir", une personne qui sa consacre à Dieu et qui tend à la pureté en s'abstenant, entre autre, de boire de l'alcool ou de se couper les cheveux. Celui-ci sera séduit puis trahit (tssss, on ne voit jamais l'un sans l'autre...) par Dalila. Cette dernière au service des Philistins, ennemis des hébreux, rase la tête de Samson, le privant de facto de sa force herculéenne.
Dans le cade de la caricature qui nous intéresse, Samson est peint comme un afro-américain et cristallise, par sa seule couleur de peau, l'opposition marquée entre Démocrates et Républicains lors du vote du
Reconstruction Acts au Congrès américain en 1867, qui prévoit (impose) le retour des États Confédérés au sein de l'Union. Le XIVème amendement de cet acte de reconstruction vise à protéger les droits des anciens esclaves Noirs du Sud et la nécessité de garantir leur égalité face à la loi. La pilule a eu du mal à passer pour les figures (ex)confédérées de l'époque... Ce sont d'ailleurs les émeutiers de la caricature, parmi lesquels Wade Hampton III, un certain Robert Edward Lee ou encore le tristement célèbre Nathan Bedford Forrest...
Ainsi, le coupe-chou est manié par la Dalila confédérée, la
Southern Democracy, qui tranche net les cheveux de Samson, comme l'auraient tant souhaité les différents protagonistes de l’œuvre (s'ils n'avaient pas perdu la guerre)... L'acte est brutal, la mèche ainsi volée mentionne le droit de vote des Noirs, le message est clair...
Néanmoins, bien que tranchant, la lame semble quelque peu s'émousser lorsqu'on lit sa gravure : "la cause perdue". Elle ne sera d'ailleurs pas si perdue que cela : le XIVème amendement prévoyait le vote des Noirs américains. Face aux pressions et à la menace d'un retour au conflit, le 17e Président des États-Unis, Andrew Johnson (suite à l’assassinat de Lincoln), écartera cette possibilité. Rendez-vous en 1965...!
Si une analyse plus poussée de l’œuvre intéresse quelqu'un, celle-ci est très bien construite : ICI