Voici quelque temps déjà Cédric Christ, l'artisan qui fabrique les rasoirs Ali's Blade m'avait contacté pour que j'essaie un chopper en SC145 d'Achim Wirtz (un must en acier carbone) et que je lui donne mon avis au fur et à mesure des rasages avec un suivi régulier du fil microscope.
L'expérience fut en elle même très intéressante et j'ai pu voir l'impact des différents procédés d'affilage et de la manière dont je me rase sur la tenue du fil.
Mais surtout j'ai pu me rendre compte de l'excellence des productions de Cédric Christ qui témoignent de son côté perfectionniste.
Le Chopper qu'il m'avait spécialement fabriqué pour les essais (un beau 7/8 avec chasses en buis et un écarteur en ébène) comportait une spécificité que je n'avais jamais vue sur un rasoir jusqu'alors : la mise en valeur de la ligne de trempe par un polissage traditionnel aux pierres que les Japonais appellent le "hamon".
Contrairement à l'utilisation de l'acide (en générale le perchlorure de fer) qui noircit la ligne et ses alentours de manière presque uniforme (solution souvent mise en œuvre sur les katanas bon marché), les pierres naturelles révèlent une ligne de trempe blanche et apportent des effets de profondeur et des nuances incomparables.
Un beau "hamon" est comme un tableau dont on ne se lasse pas d'observer la richesse en jouant avec la lumière. Suivant la qualité du polissage, on peut même voir apparaître le fibrage de la l'acier.
C'est le résultat d'un travail long et patient qui demande beaucoup de précautions car la lame peut facilement être rayée et dans ce cas il faudra tout recommencer…
L'utilisation de différentes pierres est codifiée au niveau de la succession des grits mais aussi des duretés employées. Ce sont évidemment les pierres les plus dures qui sont les plus difficiles à manipuler, car elles rayent facilement si l'angle pris n'est pas bon.
Cédric Christ à dû adapter les techniques classiques de polissage ; si le katana avec son émouture plane peut être poli à plat sur la pierre, il n'en va pas de même avec nos rasoirs qui ont majoritairement une émouture creuse.
Pour le rasoir que je vous présente, il a donc commencé par un ponçage manuel de l'ensemble de la lame jusqu'au papier #5000. Avec un katana cette première étape se fait sur une pierre appelée "tsushima".
Puis il a continué en polissant la lame avec deux "fingerstone", littéralement "pierre à doigt".
Pour cette étape, l'artisan a employé une lamelle prélevée sur une de ses pierres appelée "uchimogori". Avant d'utilisée cette lamelle, il l'aura préalablement polie puis résiné sur du papier de soie pour éviter qu'elle ne se casse en raison de sa finesse. Cette lamelle d'"uchimogori" colée ainsi sur du papier s'appelle "hazuya" et s'utilise en la plaçant sous le pouce.
Après cette étape, il a continué le polissage avec une autre "hazuya" plus dure, venant du Japon, et déjà prête à l'emploi.
Ensuite c'est le moment de la révélation avec deux "nugui" appliqués à l’aide d’un coton.
Le premier est un mélange de calamine de forge en poudre très fine avec de l'huile de girofle. Il va faire apparaître les contrastes et la blancheur de la ligne de trempe. Cette étape est particulièrement longue.
Puis le deuxième "nugui" à l'oxyde de chrome achève le travail, en "fixant" le résultat.
Le "hamon" obtenu peut varier en fonction de la nuance d'acier de la lame et souvent il faut adapter les pierres à celle-ci. Seule l'expérience permet de déterminer les bons "couples".
J'espère que vous saurez apprécier la beauté du "hamon" de ce "petit katana" que j'aime particulièrement, car il a une vraie "âme" japonaise et surtout il est aussi bon à l'usage que beau !