Les premières trouvailles et les premières passes sont similaires à des étincelles qui allument la poudre.
Tout s'enflamme.
Les premières heures diurnes à se rincer les yeux sur des belles, les premières vidéos ou des types se filment la tronche tartinée de mousse pour te montrer comment on fait, et les premiers levers aux aurores pour sortir de leurs bôites un peu figées ces lames qui hibernent dans des greniers.
Et puis aussi, avec pour seul public le reflêt de sa face toute poupine, se regarder sourire tout illuminé devant l'accomplissement du premier fauchage intégral réussi sans une goutte de sang versée sur l'autel dans lequel le fidèle fait ses ablutions avant de prier Saint Lavabo.
Maintenant allumée, la flamme qui quide le passioné vécut plusieurs années parsemées de tentatives plus ou moins fructueuses de maîtriser la symétrie de la rouflaquette ou bien d'ateliers ''barbier'' improvisés avec ses potes et trop de Ricard.
Seul endroit ordonné dans ma chambre, le tiroir qui contenait ma précieuse collection de lames qui me faisait passer pour un maniaque retraité suisse philatéliste, même aux yeux du grand-père.
J'en ai polie de la chasse, coticulé du wedge au gros cul et au nez inafutable qui te sourit pour te dire d'aller te faire foutre. Merde, on remet pas au boulot un retraité après la mise au placard.
J'en ai bouffé de la pâte verte qui, une fois logée dans les larmes de tes yeux, ferait passer de la lacrymo pour du lait-fraise.
Mais sans m'en rendre compte l'habitude s'est calcifiée sur la flame, la rendant moins vive petit à petit.
C'est comme avec l'être que l'on aime plus, ou l'attirance s'était rompue bien déja avant qu'on le réalise vraiment.
On en parle moins, on s'y interesse moins, l'effet de surprise est éventé.
Et pis ça fait les fines-bouches.
Monsieur ne veut qu'un Pradier ou une paire de Weiss sinon rien. Et forcément dans le trou du cul du département d'Emile Louis, on est pas prêt de les retrouver les rasoirs de luxe ! L'estomac du collectionneur est rassasié, parfois même il a les dents qui baignent, alors il ne digère plus. Dans le réel ça correspond ainsi chez moi au fait que j'avais accumulé une belle collection, qui par conséquent m'amenait à acheter que des pièces toujours plus belles, et rares.
Donc j'achetais moins. Et moins j'achetais, plus j'étais devenu difficile et moins j'avais envie de collectionner.
Et puis enfin ce sont toutes les autres reliques du passé en général, qui, entassées dans des Traffic pour être brocantées sur un parking, ont peu à peu attiré ma convoitise.
Et en chinant tout le reste, la passion du coupe-choux s'est émoussée.
D'ailleurs, j'ai l'impression que je ne suis pas le seul ici.
Et c'est au final peut-être parce que pour bien d'entres-nous le cheminement accompli par la passion amène fatalement à une issue qui n'offre pas tellement d'autres échapattoires que l'abandon ou la lassitude.
Rebondissement soudain en
happy end :
J'ai bien dit émoussée, mais plutot s'egorger que d'être un joue-flasque la main molle serrant mollement un bic mou aux lames molles.
D'accord, je ne pense plus coupe-choux tout les deux jours dans mon lit, et je ne mouille plus devant la moindre lame dépliée devant moi mais de temps en temps alors que je furète comme un chiant pistant une puce, ben je le fais.
je le fais.
Je le fais comme j'ai pris l'habitude de le faire depuis presque 10 ans pour maintenir la flamme en vie:
Je m'accorde un plaisir simple.
Je me paye un putain de simple wedge français dans son plumier.