Salut à tous
Je viens commettre un "petit" post (sic) sur ma dernière lame acquise : un Heljestrand MK32.
Ce CC, ou plutôt ce modèle et moi avons une histoire. Passionnelle. Et compliquée, aussi. Peu après que je sois tombé dans le coupe chou, j'ai vite compris qu'Heljestrand avait un quelque chose de plus à mes yeux, ce subtil mariage de souplesse de l'acier, de tranchant, de maniabilité et de sublimes finitions... Cette goutte d'eau au talon, ce nez à facette sur certains modèles, ce merveilleux poli que l'on peut obtenir... Ce sabre ramassé, racé, délicat !!
Bref, ces lames ont les charmes discrets des grandes dames qui n'ont pas besoin d'en faire trop pour être au dessus de la vile plèbe.
Et moi, pauvre gueux que je suis, j'ai été damné dès lors que j'en ai vu passer une. Pire, ce diable de Thaeris est même venu sournoisement m'en vanter les mérites; j'ai même pu baver devant les siennes plus tard à la convention 2014 de Jodoigne. Bref, j'étais donc fait et refait, il m'en fallait une.
Malheureusement, mon premier achat fût une débâcle. Oh certes, la chasse était magnifique, une écaille au jaspé peu commun, et même un monogramme gravé avec un espaceur en ivoire. Que demande le peuple? Et bien... peut-être pas une lame usée jusqu'à la corde, au fil en biais, incapable ou presque de raser? Par un subtil jeu de photos, le marchand avait réussi à masquer habilement ce "détail" affligeant. Du coup, bon pour prendre la poussière ce pauvre CC, mais quasi inapte à se retrouver devant mon miroir !
Bien allégé de quelques dizaines d'euros tout de même, et bien décidé à ce que l'on ne m'y prenne plus, j'ai continué mon petit bonhomme de chemin. Au détour d'un vide grenier, j'ai eu la chance de tomber sur un mignon petit Royal Kindal, avec sa boîte. Je dis petit, car la lame avait là aussi déjà été sérieusement entamée. Mais cette fois-ci avec régularité, ce qui rendait donc ce CC toujours propre au rasage. Et celui-ci, pour être propre... malgré ses à peine 5/8, je découvrai alors les joies d'une lame devenant l'extension de la main, d'une précision absolue, et à la qualité de coupe sensationnelle.
Malgré toute ma tendresse pour cette brave petite suédoise (qui perdure d'ailleurs), mon coeur n'avait jamais cessé de penser à la fameuse Magnus Kindal/Mark Kvalitet (
https://coupechouclub.1fr1.net/t28610-signification-mk-et-bk-sur-les-heljestrand) numéro 32. Moi qui ne l'avais encore jamais même prise par la main, je souffrais de son absence d'autant plus amèrement que j'en avais un triste exemplaire estropié à la maison. Peut importe, je n'aurai de cesse de la chiner, jusqu'à ce qu'elle soit enfin mienne, et ce par monts et par vaux :
"Demain dès l'aube, A l'heure ou blanchi la campagne
Je partirai vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps"
Et un jour, elle m'apparut, au détour de la Baie. Pas bien fringante, comme sous un linceul, et demandant un sérieux frottage pour retrouver son lustre. Mais pas entamée, superbe de proportions, ma promise était bien là sous la poussière de son habit noir... Quelques interminables journée d'attente plus tard, elle était là, sous mes yeux embués d'émotions, prête à être polie à nouveau. Une émotion magnifique oui; sans doute trop. Sans doute un peu trop enthousiaste au maniement de la fourbe Dremmel, sans doute rendue jalouse de mes attentions pour ma belle endormie, soudain un claquement sec retentit. Le temps suspendit son vol quelques effroyables secondes... Tous ceux qui l'on connu ont sûrement ce bruit qui résonne encore à leur oreille.
Le cri du drame, de la défaite, de l'ignominie. De l'affreuse ébréchure.
A peine la taille d'un ongle. De petit doigt. Mais sur une lame de rasoir, en plein centre qui plus est...
Bien difficile de s'y méprendre : je venais de massacrer cette lame, sans espoir de rémission possible. En ce jour maudit, j'ai rangé ma Dremmel au fond d'un carton dont elle n'est plus jamais sorti depuis (mais cela devrait s'arranger bientôt). Meurtri, j'avais été touché là au plus profond de mon ego de petit restaurateur du dimanche. J'avais tué une grande dame, alors qu'elle s'était abandonnée à moi en toute confiance. J'étais à l'époque dans une période de grand désarroi à titre personnel, sans doute ce malheureux échec restauratoire en a-t-il cristallisé d'autres ? Je ne saurais dire; sûrement. toujours est-il que j'ai suivi encore un peu le forum, mais le cœur n'y était plus. J'ai fini par lâcher la plume et les copains. Pire, je me suis laissé pousser la barbe !
Il semble désormais que toute pénitence a une fin. Va savoir pourquoi, au sortir de ce bel été, je n'ai plus su supporter en peinture ces poils me couvrant la face. Et mes CC se sont remis à me faire de l’œil. Dans ma rotation idéale, il me manquait encore quelques pièces. J'ai donc passé une annonce de recherche, annonçant que je cherchais un JC2C (trouvé) et donc toujours mon arlésienne suédois. Je n'ai pas du attendre Godot très longtemps cette fois-ci : les propositions se sont mise à pleuvoir dans ma boîte !
Et puis... et puis il y a eu toi. Un hasard primesautier a voulu, alors que je n'avais même pas pu te frôler de la joue toute ces années et ignorait tout des douceurs de ton fils envoûtant, que ce soit... Vierge de Fer qui soit notre entremetteur. Et là, tout m'est revenu en te contemplant : il fallait que je boucle cette satanée spirale, il fallait que nous nous rencontrions, je me devais de t'acquérir. Chose fût faite, et quelques jours plus tard, te voilà donc enfin ma toute belle :
Je précise que la boîte n'est pas venue avec, mais qu'elle provient de l'exquis Cabarfeidh qui m'en a fait don en accompagnement d'un précédent CC acheté. Mais vous conviendrez qu'elle lui va tellement bien au teint, qu'elle compose une si si douce couche nuptiale...
J'ai testé la belle ce matin ; elle est encore un peu farouche, bien que j'ai déjà tempéré ses ardeurs en lui donnant du cuir (vous ais-je dit que notre relation était passionnée?). Mais quel fil... Une maniabilité parfaite, un lame sonnante pour mon plus grand bonheur, un rasage au plus près. C'en est déconcertant de facilité, d'hors et déjà une envoûteuse de premier ordre, avec laquelle la coupure ne semble pouvoir être qu'un vague concept. Cette sensation qu'elle contourne avec une douceur attentionnée ce qui ne doit pas être tranché, mais qu'elle tranche au plus ras dès qu'elle croise un poil
Un sentiment de maîtrise totale donc, pour un BBS rondement mené, avec un sourire béat de la voir enfin danser entre mes doigts et parcourir langoureusement mon visage attendri...
Quelques rasages, et un stropage attentionné devrait suffire à donner à ce bijou son plus bel éclat. Quoi qu'il en soit ma promise est enfin là. Et malgré un destin capricieux et retord, je suis bel et bien convaincu que j'ai eu mille fois raison de l'attendre, et de l'espérer encore et encore. Merci à toi Vierge de Fer, crois bien que tu as fait un heureux ! Et sachez le chers gens : cela fait du bien d'être de retour en votre auguste compagnie !